samedi 15 juin 2019

La haine qu'on donne - Angie Thomas + FILM ♥

Starr a 16 ans, elle est noire et vit dans un quartier difficile, rythmé par les guerres de gangs, la drogue et les descentes de police.

Tous les jours, elle rejoint son lycée blanc situé dans une banlieue chic; tous les jours , elle fait le grand écart entre ses deux vies, ses deux mondes.

Mais tout vole en éclats le soir où son ami d'enfance Khalil est tué. Sous ses yeux, de trois balles dans le dos. Par un policier trop nerveux. Starr est la seule témoin. Et tandis que son quartier s'embrase, tandis que la police cherche à enterrer l'affaire, tandis que les gangs font pression sur elle pour qu'elle se taise, Starr va apprendre à surmonter son deuil et sa colère; et à redresser la tête.

  • Titre VO : The Hate U Give
  • Auteur : Angie Thomas
  • Éditeur : Nathan
  • Année de parution : 2018
  • Nombre de pages : 491 pages
Coup de 
(ou 20/20)

On va être honnête : si vous n'avez jamais entendu parler de The Hate U Give dans les dernières années, c'est que vous ne fréquentez pas du tout Book-stagram-tube-&-cie et encore moins ce que l'on pourrait appeler sa branche diversité (les blogueurs qui priorisent les histoires avec des personnages/auteurs issus des minorités). Ce livre en est à sa 119ième semaine consécutive au sommet de la liste des New York Times Bestsellers + une adaptation cinématographique et j'espère que le présent article saura vous démontrer à quel point ce succès est hautement mérité. 

Le livre raconte l'histoire de Starr Carter, une adolescente noire partagée entre sa communauté pauvre et sa réputation à l'école élitiste qu'elle fréquente, certes, mais il représente aussi l'histoire du mouvement Black Lives Matter (pour les victimes de la brutalité policière liée au racisme). En effet, l'élément déclencheur du roman survient alors que Khalil, le meilleur ami de Starr, est assassiné sous ses yeux par un policier. Starr est la seule à avoir été témoin de cette scène, mais hésite à prendre la parole devant les médias alors qu'elle est menacée de tout perdre : sa réputation impeccable à l'école, la confiance de ses proches, la chance de faire justice à Khalil et même la vie, puisqu'elle est menacée par des gangs de rue ayant des intérêts dans cette affaire. 


Évidemment, les thèmes abordés par Angie Thomas dans son livre (racisme, égalité, intégrité, valorisation des cultures et des différences) sont extrêmement importants, non seulement dans la vie de tous les jours, mais aussi dans la culture, où il y a un manque cruel de représentation. Cette représentation est nécessaire pour que les minorités puissent se retrouver dans les arts, mais AUSSI pour que la majorité (dont je fais partie) puisse comprendre ses erreurs, éviter de les commettre à nouveau, comprendre la réalité des autres, apprendre de leurs cultures et ultimement, arrêter de faire de la merde. 

** Petit éditorial sur la diversité** 

C'est vrai quoi, on a beau avoir ''techniquement'' dépassé l'époque de la ségrégation style 1950, il n'en reste pas moins qu'une séparation persiste dans les villes, dans les écoles, dans les mentalités. On n'a qu'à se pencher sur la culture pour se rendre compte du chemin qu'il reste encore à faire. À combien de personnages noirs pensez-vous automatiquement si l'on vous pose la question ? À combien d'acteurs ? Pas plus de 10, je suppose, et encore (évidemment il y a des exceptions). L'autre jour, à mon travail, une petite fille était toute contente de voir un personnage de livre avec les mêmes cheveux tressés qu'elle. Ça m'a prise de court. Un autre jour encore, quelqu'un m'a demandé si j'avais déjà eu un gros crush sur un gars noir. Pour être honnête, j'ai dû répondre que ça ne m'était jamais arrivé... Sauf que mes plus gros coups de cœur datent du secondaire (taux de diversité de l'école privée = 1%) et des livres/films/séries pour ados (nommez-moi UNE série de 2008-2016 où l'histoire d'amour principale met en scène un personnage issu d'une minorité). À part peut-être Taylor Lautner - vaguement - et Zayn Malik, les murs de ma chambre ont toujours été couverts de posters de gars blancs et je ne me rends compte que maintenant que c'est parce qu'on ne m'a jamais présenté autre chose. Et puis, ça devient un cercle vicieux : à faire rêver toutes les adolescentes de 14 ans avec le même type de gars, elles en perdent le réflexe de penser autrement - sur la rue comme dans leur tête. BREF, le problème est immense, et ça me tue de savoir que j'ai mes propres torts + que je ne sais pas comment contribuer concrètement à régler le problème sans accidentellement l'empirer ? 

** Fin du petit éditorial **

Je trouve que l'auteure a fait un excellent travail pour mettre les enjeux en valeur sans pour autant rendre le texte trop moralisateur ou négatif. L'histoire est captivante et intelligemment construite du fait qu'il y a une tension entre les communautés (Garden Heights/personnages blancs), certes, mais aussi entre les différents membres d'une même communauté (avec les gangs + partir dans un quartier plus sécuritaire ou rester pour devenir soi-même le changement ?) ou entre les différentes opinions d'une même personne. Cela crée des réflexions riches et nuancée qui laissent aussi place à l'erreur. J'ai trouvé cet aspect du texte très réaliste. 


Puisqu'elle est si vraie (et cruelle), l'histoire est d'autant plus touchante. Je n'ai pas arrêté de pleurer de tout le roman et, si une partie de ces larmes ont bel et bien été versées pour la mort injuste de Khalil, plusieurs ont coulé devant la beauté de la famille Carter et devant la solidarité du quartier. L'esprit de famille et les petits détails qui le composent sont vraiment ce qui fait la force de ce roman, à mon avis. C'est triste à dire, mais c'est le genre ''d'humanisation'' qu'il manque dans la culture pour que l'on cesse de se sentir si éloignés des minorités ethniques. Ce n'est pas en se forçant à mettre une ou deux personnes de couleur dans les personnages secondaires que l'on changera réellement les perspectives. 

J'ai ainsi adoré les personnages et leurs relations. Starr, qui arrive à s'affirmer sans pour autant devenir une sainte. L'amour inconditionnel des parents Carter, pour leurs enfants oui, mais aussi l'un envers l'autre. C'est tellement rare dans la littérature, il me semble. Les frères de Starr étaient adorables. J'ai aimé que Khalil soit simplement lui-même (c'est étrange à dire, je sais, mais je ne sais pas comment l'écrire autrement). J'ai aimé que l'oncle Carlos, si attentionné avec Starr, fasse également partie de la police, donc de ''l'ennemi''. J'ai aimé que Chris, le petit ami de Starr, ne comprenne rien et qu'il fasse des erreurs, mais qu'il continue à essayer. Franchement, j'ai même adoré les petits commerçants du quartier, leur esprit d’entraide et de familiarité... C'était magnifique, inspirant et touchant de voir comment cette communauté était tellement plus que la somme de ses problèmes et défauts. 

FILM 


Le film, sorti en 2018, met en scène Amandla Stenberg (Hunger Games, The Darkest Minds), Regina Hall, Russell Hornsby (Grimm, Creed II), KJ Apa (Riverdale), Algee Smith, Lamar Johnson (X-Men, All the Bright Places (!!!))...

  • Excellent jeu d'acteur. Même pour K.J. Apa, que je trouve pourtant particulièrement mauvais et dépourvu d'émotions dans Riverdale. La chimie entre tous les personnages était superbe. Mention spéciale à Lamar Johnson, qui jouait le frère aîné de Starr. Je vais garder un œil sur ses prochains projets et, avec un peu de chance, il se retrouvera sur mes murs - en tant que poster - d'ici quelques années. 
  • Somehow, le film a réussi à me faire pleurer encore plus que le roman. Amateurs de larmes, sachez que ce film se retrouve officiellement dans mon top 5 avec TFIOS, Titanic, The Book Thief et Now is Good.
  • Quelques changements ont bien évidemment été apportés au scénario du roman, mais l'histoire est généralement très fidèle. Le changement le plus important se trouve peut-être 10 minutes  avant le dénouement, mais j'ai aimé me faire surprendre malgré le fait que j'avais lu le livre ET j'ai trouvé qu'il était très pertinent et réfléchi pour venir supporter le récit ET il m'a fait simultanément crier et fondre en larmes, ce que je considère généralement comme un succès de la fiction, haha. 
  • Bref, gros coup de cœur pour le film aussi, mon seul regret est qu'il ne soit pas sur Netflix.

En conclusion, j'ai adoré cette histoire qui m'a fait pleurer, sourire et réfléchir. J'espère sincèrement avoir réussi à produire un avis réfléchi et tenant compte des spécificités de l'histoire sans tomber dans le piège ''diversité = bon roman / absence de diversité = mauvais roman'' (parce que la diversité n'est pas tout pour réussir à écrire un bon roman et qu'il vaut parfois peut-être mieux s'abstenir d'inclure de la diversité dans un roman plutôt que d'écrire n'importe quoi). Dans le cas présent, j'ai apprécié le point de vue que m'a offert cette lecture sur une réalité autre que la mienne, mais je retiendrai aussi la nuance humaine, la famille unie et l'affirmation de soi. 

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