lundi 27 février 2017

Personnages : désirs vs réalité

Qu'est-ce que qui fait que nous apprécions un personnage et pas un autre ? Où se trouve la limite entre nos désirs pour le personnage et la liberté de création de l'auteur ?
Peut-on laisser nos attentes par rapport à un personnage influencer notre appréciation de l'oeuvre ? 

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Cet article m'a été inspiré par le roman Fangirl, de Rainbow Rowell (vous pouvez lire ma chronique ici) : un livre qui m'a globalement plu, mais pour lequel j'attendais beaucoup plus de la part du personnage principal, Cath. 

Avant même d'avoir lu le résumé du bouquin, j'espérais de tout cœur que ce livre serait enfin LE livre qui mettrait en scène une fangirl forte et pétillante, une fangirl qui s'assume. Elle n'avait pas besoin d'être extravertie (quoique, ça aurait pu être cool), parce que c'est à mon avis possible d'être nerd et introvertie, sans pour autant passer toutes ses soirées cloîtrée dans sa chambre et avoir peur de mentionner sa passion, à savoir le fangirlisme professionnel. Ou sans avoir constamment peur de parler, point final.

Bref, j'avais envie de voir une fangirl un peu à mon image. Une fangirl qui n'a pas honte de parler de ce qui la passionne. Une fangirl qui, sans nécessairement être à l'aise d'aller au devant des autres, est capable de socialiser ou de faire des blagues. Une fangirl qui aime autant passer du temps à faire l'ermite dans sa chambre qu'à aller explorer le monde, essayer de nouvelles choses. 

Parce qu'on peut autant ''fangirler'' en parcourant Tumblr qu'en allant visiter des endroits et en vivant des expériences que nos personnages préférés ont vécues avant nous. 
↙↓↘
J'explore ma région en l'honneur de Tous Nos Jours Parfaits
Je veux aller visiter des endroits abandonnés depuis que j'ai lu Paper Towns. 
Je ne peux pas m'empêcher de penser à One Tree Hill et à The O.C. (ou à n'importe quelle série américaine) quand je vais dans un bar ou à un party. 
Je pense même à Aurélie Laflamme quand je mâche de la gomme au melon, bon sang.

Chaque jour, mes fandoms influencent ma vie ''active'' et ma vie inspire mes lectures. 

Être fangirl (ou fanboy), c'est un mode de vie, une façon de voir le monde. 
Ce n'est pas une condamnation. 

Tout ça pour dire que j'en ai parfois marre du cliché de la fangirl super introvertie qui est incapable d'avoir un quelconque contact humain et (SURTOUT), qui est super mal dans sa peau. C'est aussi possible d'être nerd et relativement décomplexée, figurez-vous. 

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Si vous avez lu Fangirl, vous voyez sûrement où je veux en venir. 
Cath a de l'anxiété sociale *(voir ma précision plus bas)*. 
Elle ne fait que traverser un couloir bondé et ça la fait pleurer. Des mois passent sans qu'elle n'ose adresser la parole à sa coloc. Elle n'est pas capable de trouver la cafétéria par ses propres moyens, alors elle se contente de manger des barres énergisantes pendant des semaines.
Elle passe ses soirées à écrire des fanfictions, incapable de participer à la vie étudiante et de se faire des amis. Elle se trouve constamment moche et n'ose pas parler de ce qui la passionne. 
En gros, tout le contraire de ce que j'avais envie de lire à propos des fangirls. 
Résultat ? Le roman s'est avéré être plutôt décevant pour moi. 

Seulement, est-ce justifié de juger un livre pour les choix que l'auteur a pu faire par rapport à un personnage ? Est-ce que ça ne revient pas à demander à l'auteur d'écrire un autre livre ?
Après tout, si je n'étais pas satisfaite du synopsis, je n'avais qu'à lire un autre livre. Mais que faire si aucun livre ne convient à ce que je recherchais dans ce personnage ? Cela signifie-t-il que les écrivains doivent se forcer davantage pour s'extraire des stéréotypes ? 

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Cela nous amène à un sujet controversé dans la littérature YA : la diversité. On a longtemps reproché, avec raison, aux auteurs de ne pas inclure les minorités dans leurs histoires. Conséquemment, il y a désormais plusieurs romans avec des personnages noirs, arabes ou asiatiques ; handicapés, malades ou avec des maladies mentales ; homosexuels, bisexuels ou transsexuels ; maigres ou gros. La question reste toujours à savoir s'il y a suffisamment d'histoires contenant de la diversité, mais ça c'est un autre débat. 

Toutefois, peut-on condamner un roman s'il n'a pas représenté assez de minorités ou s'il a représenté ces minorités en utilisant des stéréotypes ? Je me pose la question. 

Je suis récemment tombée sur un ''scandale'' par rapport à la série Red Queen, de Victoria Aveyard. Une personne la traitait de raciste parce que sa série ne mettait en scène que des personnages blancs. Accusations certes extrêmes, elles m'ont poussée à me demander si on ne poussait pas nos désirs de diversité un peu trop loin. Faudrait-il que les auteurs se forcent à inclure systématiquement un personnage de couleur dans leur histoire, par exemple ? 
Évidemment, il ne s'agit pas de ne jamais en mettre, mais si cela ne vient pas naturellement à l'esprit de l'auteur de créer des personnages asiatiques, faut-il l'accuser d'un manque d'ouverture d'esprit ? Parce que la diversité n'est pas nécessairement généralisée. Je veux dire, j'habite dans une ville de taille moyenne et je n'ai jamais eu d'amis arabes ou noirs, entre autres, pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a que très peu dans mon coin, contrairement aux grands centres. Bref, quand j'imagine des personnages, je peux inclure de la diversité (même si ce n'est pas mon premier réflexe), mais je serais certainement beaucoup moins à l'aise de parler du point de vue d'une personne qui aurait pu vivre du racisme, parce que ce n'est pas ma réalité. On écrit sur ce que l'on connaît. 

Un autre exemple, cette fois concernant les stéréotypes. J'ai lu quelques avis négatifs par rapport à Eleanor and Park, de Rainbow Rowell, lesquels jugeaient que les descriptions de Park étaient racistes et stéréotypées, parce que l'on parlait de la forme de ses yeux, de ninjas, etc. Est-ce raciste de faire mention de caractéristiques physiques typiques ou de faire référence à la culture ? Ou n'est-ce pas plutôt une façon de banaliser les différences, comme quoi tous les physiques et toutes les cultures se valent ? 

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La dernière situation où les désirs des lecteurs se heurtent à la réalité des personnages est quand nous avons affaire à un anti-héros. Vous savez, le type qui fait tout pour se rendre désagréable ? Celui qui déteste tout et tout le monde ? Là, je pense à Holden Caulfield, de L'attrape-cœurs, par J.D. Salinger. Souvent, quand les gens tombent sur ce type de personnages, ils se mettent à haïr le livre, parce qu'ils voulaient côtoyer un personnage avec lequel ils auraient pu s'entendre. Pourtant, demander à l'auteur de changer son personnage reviendrait à lui demander d'écrire un autre livre. Et l'une des fonctions de la littérature n'est-elle pas justement de nous faire vivre autre chose, de nous montrer d'autres points de vue que les nôtres ? Vu de cette façon, j'ai tout de suite plus apprécié L'attrape-cœurs. À vrai dire, ce livre est désormais l'un de mes classiques préférés et je me suis attachée à Holden beaucoup plus que je ne l'aurais cru lorsque j'ai refermé le livre en 2015. 

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Pour finir, si je peux me permettre de soumettre mon point de vue sur tout ce débat, voici les conclusions auxquelles je suis arrivée en écrivant cet article. 
  • On ne peut pas forcer la diversité dans la littérature, sans quoi ça aurait l'air artificiel et d'autant plus dégradant. On ne peut que l'encourager et surtout encourager la littérature faite par des auteurs diversifiés. Après tout, ce sont eux qui savent le mieux comment décrire leur point de vue et ça serait totalement absurde de lire des romans prônant la diversité.... mais uniquement écrits par des auteurs blancs, américains, riches et respectant les standards de beauté (quoique ça ne les empêche pas non plus d'être excellents !). 
  • On ne peut pas juger entièrement un livre par rapport à nos attentes et à notre appréciation du comportement du personnage. On peut surtout critiquer le genre si ce comportement devient presque une norme. 
  • Les stéréotypes, ce n'est pas forcément mal. Après tout, je connais des gens qui SONT des stéréotypes, et c'est parfait comme ça (je suis probablement un stéréotype moi-même). 
MAINTENANT ! Je veux vous entendre : quel est votre avis sur le sujet ? Avez-vous déjà réfléchi aux questions soulevées dans l'article ? Certains livres vous ont-ils déjà déçu parce que les personnages ne se comportaient pas comme vous le vouliez ? Je veux touuuut savoir :)

En espérant que cet article, vous ait plu ! 


* (Précision : Je ne veux pas ridiculiser les gens qui ont une phobie sociale. C'est une maladie mentale dont l'importance ne doit pas être minimisée. Je suis même contente d'avoir pu lire un livre sur ce sujet. Il faut seulement comprendre que j'étais déçue que la fangirl soit encore associée à une forme d'introversion maladive, puisque c'est le cas dans la majorité, sinon la totalité, des histoires qui l'implique.)

13 commentaires:

  1. Article très intéressant et passionnant à lire.
    Personnellement, quand je suis déçue par un livre, ce n'est jamais pour un seul critère, c'est un tout : style, intrigue, personnages... J'évite également d'avoir des attentes concernant les personnages ( enfin, j'essaye ), ce qui fait que quand les personnages ne me plaisent pas, c'est soit parce qu'ils sont tout bonnement insupportables alors qu'on sent bien qu'ils auraient dû être attachants, soit parce qu'ils sont plats, peu creusés, cliché.
    J'ai horreur des clichés en littérature parce qu'en général, ils donnent lieu à des personnages plats et ennuyants.J'ai toujours l'impression, en lisant ça, que l'auteur n'a pas fait l'effort de creuser son personnage et s'est contenté d'adopter un cliché. Cela dit, quand les auteurs utilisent avec succès un cliché, on ne s'en rend généralement pas compte. Regardez Harry Potter : Harry et Hermione peuvent être considérés comme deux clichés ambulants ( à moins que dans ce cas, ce soient eux qui aient créé ces clichés xD ) ; Harry le gars extrêmement courageux, sympathique, prêt à se sacrifier, et Hermione le puits de science. Et pourtant, qui ne les adore pas ?
    Concernant la diversité, je pense que oui, il y a un minimum à faire. Mais forcer l'auteur, c'est dégradant et puis, où est l'intérêt ? Et puis, les auteurs ne décrivent pas tous leurs personnages, physiquement. Pourquoi partir du principe qu'ils sont blancs ?

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    1. Merci beaucoup !
      Effectivement, je ne me base pas uniquement sur les personnages, mais disons que j'attends beaucoup de leur part dans certains livres, principalement les livres contemporains ;) Ils me dérangent moins quand l'attrait principal du livre est l'action ^^

      Hihi, oui, vus de cette façon, Harry et Hermione peuvent être des clichés ♥ !

      Je suis d'accord, ça serait dégradant de ''forcer'' les auteurs à inclure de la diversité. Remarque, je me demande s'ils ne se sentent pas déjà obligés d'en inclure, puisque c'est à ''la mode'' (et c'est parfait comme ça, il faut en parler !). Bref, je m'interroge sur la part des auteurs pour qui c'est naturel et ceux qui le fond seulement pour être politiquement correct...

      Tu as tout à fait raison, ton point est très intéressant ! Je suppose toujours (ou presque) que les personnages sont blancs lorsqu'il n'y a pas de descriptions physiques et que l'intrigue se passe en Occident/dans un monde imaginaire. Seulement, cela doit provenir du fait que je suis blanche et que, au contraire, une personne ''de couleur'' imaginerait plus les personnages à son image :) C'est bien vrai !

      Merci pour ton commentaire ^^

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  2. Moi aussi j'ai beaucoup aimé lire ton article. Je suis du genre à être très très critique lorsque je n'aime pas un personnage (très souvent c'est lorsque je n'arrive pas à m'attacher à lui : souvent lorsqu'ils sont antihéros, comportement que je ne supporte pas, décisions douteuses dans des situations où j'aurais agis différent etc..) et souvent même si l'histoire est géniale et qu'il y a tout de ce que j'aime mais que je ne peux pas m'attacher aux personnages j'avoue que je n'hésite pas à mettre une note très basse et à critiquer l'auteur. Oui, souvent j'aimerais que les personnages soient différents et donc que l'histoire aussi.

    Je pense cependant que les auteurs doivent continuer à faire ce qu'ils veulent de leurs personnages, même si certains comme moi les critiqueront pour leurs choix. C'est leur roman, ils peuvent en faire ce qu'ils veulent mais ils ne doivent pas s'attendre à ce que tout le monde soit d'accord avec leurs décisions.

    Ça me fait penser à l'actrice noire qu'ils ont décidés de choisir pour le rôle d'Hermione dans la pièce de théâtre. Ouff quel tollé il y a eu ! (Non pas que les gens étaient racistes mais ils se l'étaient toute suite imaginer blanche et en voir une autre jouer Hermione les a choqué). Pourtant, je trouve que justement ca vient casser ce stéréotype de la fille qui doit être blanche. Je suis sure que les gens d'une autre nationalité doivent s'imaginer les personnages comme eux, non ?

    En tout cas, moi c'est sur que je suis une fangirl introvertie comme elle semble l'être dans le roman Fangirl et que ça ne me dérangerait pas puisque je me reconnaitrais surement, mais c'est vrai qu'elles sont souvent catégorisés et décrites comme tel.

    Un jour un auteur en fera surement une différente et son livre aura du succès pour ceux qui le demandent et trouve qu'il en manque :)

    (Après tout les classiques et les stéréotypes marchent toujours on a qu'à regarder les nombreuses romances et les romans de vampire :) )

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    1. Merci :D !

      Contente de voir que je ne suis pas la seule à mettre autant d'importance sur les personnages :) Toutefois, je commence à apprécier de plus en plus les antihéros ! Qui sait, peut-être que je m'identifie à eux, hahaha XD

      Tout à fait d'accord, ils ont droit à leur liberté d'expression ! Malgré tout, je me demande quelle part d'eux-même est influencée par l'opinion publique et les tendances du moment...

      Oui, excellent exemple ! Après tout, ça n'a jamais vraiment été dit qu'Hermione était blanche, alors oui, les gens noirs (par exemple) pouvaient parfaitement se l'imaginer comme eux :) Nous, c'est juste que ça ne nous est pas venu naturellement, puisque nous sommes habitués à notre propre image :P

      Je comprends ;) C'est vrai qu'il existe énormément de fangirls introverties et c'est bien parfait, mais j'aimerais seulement que ça ne soit pas la seule représentation qu'aient les gens de nous ^^ Parce qu'à la longue, c'est comme si nous étions obligées de rester dans ce moule. Comme si les fangirls de ce monde n'avaient pas le droit de s'exprimer, comme si on devait être gênées de notre passion... Bref ;)

      Héhé, oui, quand on stéréotype marche, les maisons d'édition/les auteurs roulent longtemps dessus :P

      Merci pour ton commentaire ;)

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  3. Ton article est super intéressant et je te remercie de m'avoir permis de découvrir ces petites réflexions très sympathiques qu'il est toujours très agréable de lire et qui changent des chroniques ^^

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  4. Je pense que plusieurs éléments nous font apprécier un livre. Il y a bien évidemment l'univers, la plume mais surtout les personnages. Je trouve qu'il est bien difficile d'aimer un livre si on accroche pas avec les personnages et malheureusement, c'est n'est pas courant d'accrocher énormément avec les personnages au point de s'identifier à eux ou de retrouver des qualités que nous apprécions.
    C'est sûr que la diversité est très importante dans les romans mais si il n'y en a pas ou peu, je ne pense que l'auteur soit pour autant raciste.

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    1. Oui, surtout pour les romans contemporains ! Pour un bon roman d'action, ça peut aller même si les personnages sont moyennement intéressants, mais c'est particulièrement important quand l'histoire tourne essentiellement autour des sentiments des personnages...

      Je ne crois pas non plus ! Ça serait un peu extrémiste de l'affirmer... Mais certains peuvent penser qu'il est fermé d'esprit.

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  5. Une reflexion très intéressante qui vaut le détour! Je découvre ton blog, mais il me charme déjà!

    Megan
    www.lapageouverte.com

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  6. J'ai trouvé ton article super ! C'est vrai que Fangirl était vraiment cliché et moi non plus, je n'ai pas trop aimé Cath... Pour moi ce genre de personnage passif à 200% ça m'énerve plus que n'importe quoi...
    Sinon en ce qui concerne la diversité, je suis d'accord avec toi, on devrait laisser l'auteur faire ce qu'il veut...
    A bientôt !
    Pauline

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    1. Oui, passif, c'est le mot --'
      Je peux comprendre que c'était dû à sa phobie, mais quand même, ça donnait le goût de la secouer...

      Effectivement, il faudrait laisser les auteurs faire ce qu'ils veulent, pour la liberté d'expression, mais je me demande qu'elle importance a la pression sociale et si certains auteurs n'incluent pas de la diversité que pour s'en ''débarrasser''...

      Bref ;)

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  7. Ton article est super intéressant et j'ai adoré lire tes avis :) !
    Je trouve que c'est bien d'avoir des romans divers, etc. mais il ne faut pas oublier que l'auteur écrit ce qu'il veut (dans la limite du raisonnable, je ne cautionne pas les livres racistes par exemple, mais tu vois ce que je veux dire je pense ;) et qu'il ne peut pas tout intégrer dans son récit...
    Je te rejoins globalement dans ce que tu dis, et pour Fangirl j'ai le livre dans ma pal ! J'ai hâte de le lire^^

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