L’enfant mascara est une histoire d’amour à sens unique, comme on en voit partout, dans toutes les écoles secondaires. À cette différence qu’elle se conclut de manière particulièrement tragique. Inspiré par des faits réels qui se sont déroulés dans la ville d’Oxnard, en Californie, Simon Boulerice transpose dans la fiction l’un des meurtres homophobes, voire transphobes, les plus violents à s’être produits aux États-Unis, tout en rendant hommage à Larry/Leticia, un être rempli de désir, d’éclat et d’arrogance, dont la vie n’aura été que fulgurance.
- Auteur : Simon Boulerice
- Éditeur : Leméac
- Année de parution : 2016
- Nombre de pages : 184 pages
♥♥♥
(ou 17/20)
J'avais acheté ce livre à l'automne 2016 dans l'optique de rencontrer Simon Boulerice au Salon du livre de Montréal. Finalement, les choses étant ce qu'elles sont, je n'ai pas pu rencontrer l'auteur et je n'ai pas lu le livre... Jusqu'à ce que j'apprenne qu'il allait venir faire une conférence dans l'un de mes cours ♥ Alors au lieu de simplement le rencontrer au Salon, j'ai eu droit à une conférence (il est adorable), une dédicace, un tour en voiture (avec des amies, on est allées le reconduire au terminus d'autobus) et une photo. Si c'est pas un happy ending, je ne sais pas ce que c'est.
DONC, ce roman est inspiré d'un drame qui s'est produit en Californie en 2008, à savoir le meurtre d'une jeune adolescente trans. L'histoire raconte donc la vie de Larry (Leticia) King, 15 ans, qui est une personne pour le moins exubérante. Né(e) dans un corps de garçon, Larry/Leticia n'hésite pas à s'afficher comme étant une fille (changement de prénom, vêtements féminins, maquillage...), ce qui dérange ses camarades et ses parents adoptifs, issus d'un milieu plutôt pauvre. Leticia est follement amoureuse de obsédée par Brandon McInerney, un garçon populaire, même si l'intérêt qu'elle lui porte rebute fortement le jeune homme. Cela n'empêche pourtant pas Leticia de demander à Brandon de devenir son valentin, le 11 février... Dégoûté, Brandon tirera à bout portant sur Leticia le matin du 12 février 2008. Le décès de l'adolescente sera constaté deux jours plus tard, à la St-Valentin.
Vous vous doutez que l'histoire est très dérangeante, non seulement pour son sujet, mais aussi pour la façon avec laquelle elle est abordée. D'abord, la narration est faite du point de vue du ''fantôme'' de Leticia, ce qui offre un regard intime et différent sur les événements. C'est d'ailleurs de cette façon que l'on en vient presque à se dire que Leticia a un peu ''cherché'' ce qui lui est arrivé (MAIS CELA NE JUSTIFIE AUCUNEMENT LES ACTES DE BRANDON). En effet, elle persistait dans sa séduction envers Brandon, malgré tous les signaux de refus/dégoût qu'il pouvait lui envoyer. Elle utilisait aussi des moyens... extrêmes, pour essayer de se rapprocher de lui. Bref, Simon Boulerice n'essaie pas de transformer la victime en sainte, ce qui est à la fois réaliste et particulièrement déroutant.
Tout ça pour dire que, même si l'on connaît dès le départ le dénouement du livre, il n'en reste pas moins qu'on le dévore en quelques heures, animé d'une fascination malsaine et d'une incompréhension profonde. Comment peut-on en venir à de tels actes ? Comment vit-on sa transsexualité dans un milieu transphobe/pauvre ? Juste.... Pourquoi ?
Les personnages étaient... spéciaux ? Je n'ai eu de réel coup de cœur pour aucun des personnages, mais je ne crois pas que c'était là le but du roman. Tous les personnages étaient justement à la frontière entre noir et blanc, entre innocence et déni. Leticia s'est avérée être parfois touchante (agaçante à bien d'autres moments, mais bon). Sa situation familiale était particulièrement difficile, mais elle conservait malgré tout une belle relation avec sa mère, ce qui était attendrissant. Et puis, malgré tous les problèmes que ça lui a causé, je dois reconnaître que son assurance (voire arrogance) était admirable !
C'est l'écriture de Simon Boulerice qui fait définitivement la force de ce roman. Très poétique, mais aussi hyper accessible, c'était idéal pour le roman. Il y avait carrément certains chapitres qui étaient des poèmes dédiés à Brandon, d'autres qui étaient des ''retranscriptions'' des témoignages verbaux des élèves après le meurtre, ce qui changeait drastiquement le ton de la narration. J'ai trouvé intéressant le fait que Simon Boulerice utilise énormément de québécisme, même dans les dialogues, alors que l'histoire se déroule en Californie. Ça faisait un genre de ''clash'' plutôt dépaysant.
En conclusion, L'enfant mascara est un livre résolument perturbant et superbe. C'est un bouquin à mettre entre toutes les mains pour chambouler les idéaux. J'ai hâte de lire d'autres romans de Simon Boulerice !
Ps : L'enfant mascara ne semble malheureusement pas disponible en Europe pour le moment, mais d'autres livres de l'auteur sont accessibles à tous. N'hésitez pas à les découvrir si jamais vous les croisez :D
Le fait divers fait froid dans le dos ... Mais ce roman m'intrigue :D
RépondreEffacerEffectivement :o J'ai failli pleurer juste quand la présentatrice a parlé du livre au téléjournal :/ J'espère que tu auras l'occasion de le lire !
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