La poésie fait peur.
Peur
de ne pas comprendre
de ne pas être assez intelligent
de s'ennuyer
de perdre son temps
mais peut-être aussi de réveiller des tourments
cachés profondément
d'avoir affaire à des idées plus grandes que soi
d'être émerveillé par ses émois
VOILÀ, c'était le pire simili-poème de l'humanité, mais j'imagine que c'est un bon début à cet article quelque peu inhabituel. Il est bien connu que la poésie est un genre estimé comme difficile d'approche, surtout quand on ne sait pas par où commencer. Pourtant, c'est un genre que je me plais de plus en plus à explorer, à découvrir.
Parce que oui, j'écris cet article et je me considère largement comme une lectrice débutante de poésie. Je suis loin de comprendre le sens profond des poèmes, les vérités qu'ils semblent cacher.
Même après plusieurs années d'études en littérature.
Et c'est là, je crois, la chose la plus importante à savoir sur les poèmes avant de s'y lancer.
ON NE PEUT PAS TOUT COMPRENDRE.
Il n'y a pas d'histoire cachée.
Il n'y a (souvent) pas de fil narratif,
ni même de vérité qui serait une vérité pour tous.
IL N'Y A QUE DES IMAGES.
Il faut se laisser porter par elles,
sans nécessairement essayer de les déchiffrer.
Même les professeurs de poésie ne comprennent pas parfaitement les poèmes, car il n'y a rien à comprendre : IL Y A À RESSENTIR.
Honnêtement, c'est peut-être la chose la plus importante que j'ai apprise sur les poèmes.
Bien sûr, il peut y avoir des significations, des symboles, des références, des tas de choses que les initiés détectent peut-être plus rapidement que les nouveaux lecteurs, mais je suis d'avis qu'on devrait simplement se laisser porter par sa première lecture, se laisser le droit d'imaginer ce que l'on veut sans se casser la tête avec les analyses.
Si je devais faire une liste de conseils concernant la poésie, elle ressemblerait à ceci :
- Ne pas s'efforcer de constamment chercher un sens, une histoire. Plutôt essayer de saisir les images intéressantes, les émotions.
- Se laisser une chance. C'est normal de ne pas tout comprendre et ce n'est pas plus grave que ça (je veux dire... techniquement, votre vie n'en dépend pas).
- Être patient. Il est inutile d'essayer de lire un recueil de poésie en 2 minutes. On peut s'attarder sur certains passages, sur certains blancs. On peut relire les vers autant de fois qu'on le veut. Idéalement, on peut même relire le livre plusieurs fois.
- Il est parfois intéressant de lire les poèmes à voix haute, question de mieux entendre les sonorités, les rythmes.
MES RECOMMANDATIONS
et quelques recueils que je ne recommande pas tellement
ATTENTION ! Je suis consciente que la plupart de ces livres ne sont disponibles qu'au Québec. Pour les Européens/autres, je ne peux que vous conseiller d'essayer un peu de tout : de la poésie classique et de la poésie actuelle, de la poésie de chez vous et de la poésie d'ailleurs, etc.
Bleuets et abricots, de Natasha Kanapé Fontaine
Appréciation : Coup de ♥
Niveau de difficulté : 2/5
Thèmes : Condition autochtone, féminité, maternité, nature, identité...
De très belles images, près des beautés de la nature. Permet de mieux comprendre la condition autochtone, l'histoire de ces peuples, etc., l'auteure étant elle-même amérindienne.
Grunge, de Frédéric Généreux et Marc-André Poisson
Appréciation : Coup de ♥
Niveau de difficulté : 2/5 ou 3/5 ?
Thèmes : Adolescence, culture et contre-culture, révolte, consommation de masse
Un super recueil de poésie, génial pour se mettre dans l'ambiance des années 90, mais aussi pour réfléchir à notre rapport à la culture, à ce qui nous est imposé.
La main hantée, de Louise Dupré
Appréciation : ♥♥♥
Niveau de difficulté : 2/5
Thèmes : Mort, cruauté, douleur
(ok, je ne me souviens plus tellement des autres thèmes, mais ce n'était pas SI déprimant, hahah).
Contrairement à d'autres recueils de poésie, on pouvait tout de même sentir un certain fil narratif reliant les poèmes, ce qui rendait la lecture très agréable. Les adorateurs de chats risquent d'être très touchés par ces textes de Mme Dupré.
Pour les désespérés seulement, de René Lapierre
Appréciation : ♥♥
Niveau de difficulté : 5/5
Thèmes : Désespoir, plusieurs thèmes religieux et de nature biologique
Franchement, je n'ai pas saisi grand chose avec ce recueil de poésie, même après qu'il ait été analysé en classe (d'accord, je n'ai peut-être pas très bien écouté). Je reste toutefois convaincue que c'est un livre intéressant à lire, mais encore plus à analyser. Il y avait des images d'une grande brutalité. J'ai bien l'intention de retenter cet auteur.
Je suis la fille du baobab brûlé, de Rodney Saint-Éloi
Appréciation : ♥
Niveau de difficulté : 3/5
Thèmes : Féminité, frontière, identité...
Ceci sera le seul recueil de poésie que je vous présenterai et qui ne m'a (VRAIMENT) pas plu. Sachez toutefois que c'est peut-être juste moi qui ai mal compris, car ce livre a gagné plusieurs prix littéraires prestigieux.
MAIS.
Il m'a ennuyée comme pas possible, je n'ai pas du tout compris l'intérêt. J'ai eu l'impression que chaque vers me mentait en pleine face, qu'ils étaient tous inauthentiques. Au final, la seule image que j'en garde, c'est une madame se roulant dans le sable. Rien de bien mémorable.
Last call les murènes, de Maude Veilleux
Appréciation : Coup de ♥
Niveau de difficulté : 2/5
Thèmes : Féminité, région, vie quotidienne, intégrité....
Un recueil que j'ai emprunté au hasard à la bibliothèque et que j'ai finalement adoré. C'est sans prétention, très sincère. C'est cru, mais c'est magnifique. À lire !
L'homme rapaillé, de Gaston Miron
Appréciation : Coup de ♥
Niveau de difficulté : 5/5
Thèmes : Nation québécoise, identité, mémoire, amour...
Un grand classique de la littérature québécoise. Au départ, je l'ai trouvé assez pénible, mais il m'est tellement resté en tête qu'il s'est élevé au rang de coup de cœur. À relire encore et encore, toujours pour le voir sous un nouveau jour.
Poésies complètes, d'Émile Nelligan
Appréciation : ♥♥♥
Niveau de difficulté : 4/5
Bon, en vrai, je n'ai pas lu tous ses poèmes, mais j'en ai lu beaucoup, regroupés dans une anthologie. Un monument québécois, placé au centre du mystère et de la légende du poète maudit. Une plume très touchante.
UN DE MES POÈMES PRÉFÉRÉS
Elsa au miroir
Louis Aragon
C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
C'était au beau milieu de notre tragédie
Qu'elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
Qu'elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
À ranimer les fleurs sans fin de l'incendie
Sans dire ce qu'une autre à sa place aurait dit
Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C'était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire
C'était un beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi
Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir
Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit
Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs
Et ses cheveux dorés quand elle vient s'asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d'incendie
LES POÈTES QUE J'AIMERAIS DÉCOUVRIR
En vrac.
DES ROMANS À PROPOS DE LA POÉSIE
Parce que ça aussi, des fois, ça donne envie de s'y mettre !
J'espère que cet article vous aura plu/aidé/inspiré à laisser plus de place à la poésie dans votre vie. Si jamais vous avez des suggestions de recueils de poésie, je suis prenante :) !