Qu'est-ce que qui fait que nous apprécions un personnage et pas un autre ? Où se trouve la limite entre nos désirs pour le personnage et la liberté de création de l'auteur ?
Peut-on laisser nos attentes par rapport à un personnage influencer notre appréciation de l'oeuvre ?
Cet article m'a été inspiré par le roman Fangirl, de Rainbow Rowell (vous pouvez lire ma chronique ici) : un livre qui m'a globalement plu, mais pour lequel j'attendais beaucoup plus de la part du personnage principal, Cath.
Avant même d'avoir lu le résumé du bouquin, j'espérais de tout cœur que ce livre serait enfin LE livre qui mettrait en scène une fangirl forte et pétillante, une fangirl qui s'assume. Elle n'avait pas besoin d'être extravertie (quoique, ça aurait pu être cool), parce que c'est à mon avis possible d'être nerd et introvertie, sans pour autant passer toutes ses soirées cloîtrée dans sa chambre et avoir peur de mentionner sa passion, à savoir le fangirlisme professionnel. Ou sans avoir constamment peur de parler, point final.
Bref, j'avais envie de voir une fangirl un peu à mon image. Une fangirl qui n'a pas honte de parler de ce qui la passionne. Une fangirl qui, sans nécessairement être à l'aise d'aller au devant des autres, est capable de socialiser ou de faire des blagues. Une fangirl qui aime autant passer du temps à faire l'ermite dans sa chambre qu'à aller explorer le monde, essayer de nouvelles choses.
Parce qu'on peut autant ''fangirler'' en parcourant Tumblr qu'en allant visiter des endroits et en vivant des expériences que nos personnages préférés ont vécues avant nous.
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J'explore ma région en l'honneur de Tous Nos Jours Parfaits.
Je veux aller visiter des endroits abandonnés depuis que j'ai lu Paper Towns.
Je ne peux pas m'empêcher de penser à One Tree Hill et à The O.C. (ou à n'importe quelle série américaine) quand je vais dans un bar ou à un party.
Je pense même à Aurélie Laflamme quand je mâche de la gomme au melon, bon sang.
Chaque jour, mes fandoms influencent ma vie ''active'' et ma vie inspire mes lectures.
Être fangirl (ou fanboy), c'est un mode de vie, une façon de voir le monde.
Ce n'est pas une condamnation.
Tout ça pour dire que j'en ai parfois marre du cliché de la fangirl super introvertie qui est incapable d'avoir un quelconque contact humain et (SURTOUT), qui est super mal dans sa peau. C'est aussi possible d'être nerd et relativement décomplexée, figurez-vous.
Si vous avez lu Fangirl, vous voyez sûrement où je veux en venir.
Cath a de l'anxiété sociale *(voir ma précision plus bas)*.
Elle ne fait que traverser un couloir bondé et ça la fait pleurer. Des mois passent sans qu'elle n'ose adresser la parole à sa coloc. Elle n'est pas capable de trouver la cafétéria par ses propres moyens, alors elle se contente de manger des barres énergisantes pendant des semaines.
Elle passe ses soirées à écrire des fanfictions, incapable de participer à la vie étudiante et de se faire des amis. Elle se trouve constamment moche et n'ose pas parler de ce qui la passionne.
En gros, tout le contraire de ce que j'avais envie de lire à propos des fangirls.
Résultat ? Le roman s'est avéré être plutôt décevant pour moi.
Seulement, est-ce justifié de juger un livre pour les choix que l'auteur a pu faire par rapport à un personnage ? Est-ce que ça ne revient pas à demander à l'auteur d'écrire un autre livre ?
Après tout, si je n'étais pas satisfaite du synopsis, je n'avais qu'à lire un autre livre. Mais que faire si aucun livre ne convient à ce que je recherchais dans ce personnage ? Cela signifie-t-il que les écrivains doivent se forcer davantage pour s'extraire des stéréotypes ?
Cela nous amène à un sujet controversé dans la littérature YA : la diversité. On a longtemps reproché, avec raison, aux auteurs de ne pas inclure les minorités dans leurs histoires. Conséquemment, il y a désormais plusieurs romans avec des personnages noirs, arabes ou asiatiques ; handicapés, malades ou avec des maladies mentales ; homosexuels, bisexuels ou transsexuels ; maigres ou gros. La question reste toujours à savoir s'il y a suffisamment d'histoires contenant de la diversité, mais ça c'est un autre débat.
Toutefois, peut-on condamner un roman s'il n'a pas représenté assez de minorités ou s'il a représenté ces minorités en utilisant des stéréotypes ? Je me pose la question.
Je suis récemment tombée sur un ''scandale'' par rapport à la série Red Queen, de Victoria Aveyard. Une personne la traitait de raciste parce que sa série ne mettait en scène que des personnages blancs. Accusations certes extrêmes, elles m'ont poussée à me demander si on ne poussait pas nos désirs de diversité un peu trop loin. Faudrait-il que les auteurs se forcent à inclure systématiquement un personnage de couleur dans leur histoire, par exemple ?
Évidemment, il ne s'agit pas de ne jamais en mettre, mais si cela ne vient pas naturellement à l'esprit de l'auteur de créer des personnages asiatiques, faut-il l'accuser d'un manque d'ouverture d'esprit ? Parce que la diversité n'est pas nécessairement généralisée. Je veux dire, j'habite dans une ville de taille moyenne et je n'ai jamais eu d'amis arabes ou noirs, entre autres, pour la simple et bonne raison qu'il n'y en a que très peu dans mon coin, contrairement aux grands centres. Bref, quand j'imagine des personnages, je peux inclure de la diversité (même si ce n'est pas mon premier réflexe), mais je serais certainement beaucoup moins à l'aise de parler du point de vue d'une personne qui aurait pu vivre du racisme, parce que ce n'est pas ma réalité. On écrit sur ce que l'on connaît.
Un autre exemple, cette fois concernant les stéréotypes. J'ai lu quelques avis négatifs par rapport à Eleanor and Park, de Rainbow Rowell, lesquels jugeaient que les descriptions de Park étaient racistes et stéréotypées, parce que l'on parlait de la forme de ses yeux, de ninjas, etc. Est-ce raciste de faire mention de caractéristiques physiques typiques ou de faire référence à la culture ? Ou n'est-ce pas plutôt une façon de banaliser les différences, comme quoi tous les physiques et toutes les cultures se valent ?
La dernière situation où les désirs des lecteurs se heurtent à la réalité des personnages est quand nous avons affaire à un anti-héros. Vous savez, le type qui fait tout pour se rendre désagréable ? Celui qui déteste tout et tout le monde ? Là, je pense à Holden Caulfield, de L'attrape-cœurs, par J.D. Salinger. Souvent, quand les gens tombent sur ce type de personnages, ils se mettent à haïr le livre, parce qu'ils voulaient côtoyer un personnage avec lequel ils auraient pu s'entendre. Pourtant, demander à l'auteur de changer son personnage reviendrait à lui demander d'écrire un autre livre. Et l'une des fonctions de la littérature n'est-elle pas justement de nous faire vivre autre chose, de nous montrer d'autres points de vue que les nôtres ? Vu de cette façon, j'ai tout de suite plus apprécié L'attrape-cœurs. À vrai dire, ce livre est désormais l'un de mes classiques préférés et je me suis attachée à Holden beaucoup plus que je ne l'aurais cru lorsque j'ai refermé le livre en 2015.
Pour finir, si je peux me permettre de soumettre mon point de vue sur tout ce débat, voici les conclusions auxquelles je suis arrivée en écrivant cet article.
- On ne peut pas forcer la diversité dans la littérature, sans quoi ça aurait l'air artificiel et d'autant plus dégradant. On ne peut que l'encourager et surtout encourager la littérature faite par des auteurs diversifiés. Après tout, ce sont eux qui savent le mieux comment décrire leur point de vue et ça serait totalement absurde de lire des romans prônant la diversité.... mais uniquement écrits par des auteurs blancs, américains, riches et respectant les standards de beauté (quoique ça ne les empêche pas non plus d'être excellents !).
- On ne peut pas juger entièrement un livre par rapport à nos attentes et à notre appréciation du comportement du personnage. On peut surtout critiquer le genre si ce comportement devient presque une norme.
- Les stéréotypes, ce n'est pas forcément mal. Après tout, je connais des gens qui SONT des stéréotypes, et c'est parfait comme ça (je suis probablement un stéréotype moi-même).
MAINTENANT ! Je veux vous entendre : quel est votre avis sur le sujet ? Avez-vous déjà réfléchi aux questions soulevées dans l'article ? Certains livres vous ont-ils déjà déçu parce que les personnages ne se comportaient pas comme vous le vouliez ? Je veux touuuut savoir :)
En espérant que cet article, vous ait plu !
* (Précision : Je ne veux pas ridiculiser les gens qui ont une phobie sociale. C'est une maladie mentale dont l'importance ne doit pas être minimisée. Je suis même contente d'avoir pu lire un livre sur ce sujet. Il faut seulement comprendre que j'étais déçue que la fangirl soit encore associée à une forme d'introversion maladive, puisque c'est le cas dans la majorité, sinon la totalité, des histoires qui l'implique.) *